Allez au contenu

Guide La prise de décision en urbanisme

Contraintes de nature anthropique et gestion des risques

Mise en garde : Le Ministère travaille actuellement à la révision exhaustive du guide La prise de décision en urbanisme.

En conséquence, les fiches du guide ne reflètent pas nécessairement les modifications les plus récentes apportées à la LAU et aux autres lois municipales, entre autres, par la Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et d’autres dispositions Ouverture d'un document PDF dans une nouvelle fenêtre (628 Ko)
(2023, chapitre 12).

Merci de votre compréhension.

Les autorités locales et régionales peuvent désigner les immeubles et les activités humaines qui génèrent des contraintes majeures pour l'occupation du sol et régir cette occupation comme il convient.

Utilité

Les contraintes de nature anthropique visent ici la gamme d'immeubles, d'ouvrages et d'activités qui résultent de l'intervention humaine et qui sont susceptibles, dans certaines circonstances (défaillance technologique, explosion, contamination, etc.), de mettre en péril la santé, la sécurité ainsi que leur bien-être des personnes et de causer des dommages importants aux biens situés à proximité.

Les entreprises industrielles ou commerciales qui utilisent, produisent ou entreposent des produits dangereux (émanations de fumées, de gaz, de poussières), les routes et les voies ferrées sur lesquelles sont transportées des matières dangereuses et les équipements dont le bris pourrait menacer la population environnante (barrages, gazoducs, etc.) peuvent être considérés comme des contraintes anthropiques qui présentent des risques.

La prise en considération des contraintes de nature anthropique dans la démarche de planification du territoire et dans la réglementation d'urbanisme permet, advenant un accident ou une défaillance, d'atténuer les effets négatifs de certaines activités sur les personnes, les biens et l'environnement tout en maintenant la volonté de favoriser le plein fonctionnement et même l'expansion des entreprises visées. En effet, il importe de souligner que ces pouvoirs ne visent pas la réglementation des sources de contraintes elles-mêmes, mais plutôt la réglementation ou la prohibition des usages, des constructions ou des ouvrages situés à proximité de celles-ci.

La détermination des sources de contraintes de nature anthropique permet surtout d'éviter l'empiétement et le rapprochement d'usages, de constructions ou d'ouvrages qui sont incompatibles et qui pourraient compromettre la sécurité et la santé des personnes de même que les possibilités d'exploitation ou d'agrandissement d'activités désignées comme telles.

En effet, la détermination des sources de contraintes permet d'atténuer les risques pour la santé et la sécurité publique et le bien-être général de même que les nuisances associées à celles-ci.

De plus, l'absence de contrôle de l'utilisation du sol à proximité d'usages contraignants pourrait compromettre le développement de tels usages ou activités et entraîner leur déplacement ou leur fermeture alors que ce sont des activités économiques importantes pour la communauté.

Par ailleurs, de telles situations découlent plus souvent qu'autrement d'une absence de réciprocité puisque les distances minimales d'éloignement et de protection exigées lors de l'établissement, par exemple, d'entreprises industrielles ou de certains équipements et infrastructures ne sont pas respectées.

Ainsi, l'expérience démontre que, après l'établissement de lieux d'enfouissement sanitaire, les terrains avoisinants ne font pas toujours l'objet de restrictions d'usage. Effectivement, les municipalités y autorisent la construction d'habitations sans tenir compte des normes minimales de localisation prévues par le Règlement sur les déchets solides. Les résidants sont ainsi exposés aux nuisances de l'activité du site et son agrandissement peut, par conséquent, devenir impossible.

En définitive, afin de mieux intégrer la recherche d'un développement durable, il importe de prendre en compte dans le cadre de l’aménagement du territoire les principes de prévention et de précaution. Ainsi, en présence d'un risque connu, des actions de prévention, d'atténuation et de correction devraient être mises en place, en priorité à la source. De même, lorsqu'il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l'absence de certitude scientifique complète ne devrait pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir une dégradation de l'environnement.

Vers le haut

Caractéristiques

Dans ce domaine, les pouvoirs habilitants se trouvent dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

En vertu des pouvoirs conférés par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, les autorités locales et régionales peuvent déterminer :

  • les immeubles et les activités dont la présence ou l'exercice, actuel ou projeté, dans un lieu fait en sorte que l'occupation du sol à proximité de ce lieu est soumise à des contraintes majeures qui risqueraient de compromettre la sécurité et la santé publiques de même que le bien-être général.

Toutefois la désignation est obligatoire dans le schéma d'aménagement et de développement pour ce qui est des voies de circulation actuelles ou projetées qui présentent de telles contraintes (p. ex., une autoroute qui traverse un périmètre d'urbanisation, une aire d'affectation institutionnelle ou récréative recevant du public).

La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme définit une voie de circulation comme étant toute structure ou tout endroit affecté à la circulation des véhicules et des piétons, tels une route, une rue, une ruelle, un trottoir, un sentier de piétons, une piste cyclable, un sentier de motoneige, un sentier de randonnée, une place publique ou une aire publique de stationnement. Mentionnons que les voies ferrées ne font pas partie de cette définition. Néanmoins, elles pourraient être considérées comme des sources de contraintes de nature anthropique en vertu du contenu facultatif de la loi.

Les autorités locales peuvent également régir ou prohiber tous les usages du sol, constructions ou ouvrages, ou certains d'entre eux, et toutes opérations cadastrales, compte tenu de la proximité d'un lieu où une telle source de contrainte, actuelle ou projetée, est identifiée. Toutefois de telles règles doivent être établies (dans le document complémentaire accompagnant le schéma) lorsqu'une voie de circulation (actuelle ou projetée) est considérée comme une source de contraintes majeures.

Pour ce faire, les autorités peuvent diviser le territoire de la municipalité, établir des catégories d'usages, de constructions, d'ouvrages ou d'opérations cadastrales à prohiber ou à régir et établir des catégories d'immeubles, d'activités ou d'autres facteurs justifiant une telle prohibition ou réglementation. Elles peuvent décréter des prohibitions et des règles variant en fonction des parties du territoire, des premières ou des secondes catégories ou de toute combinaison de ces critères de distinction.

Enfin, les autorités peuvent faire appel à la mesure du degré des effets nocifs ou indésirables produits par la source, c'est-à-dire recourir à des normes de rendement, afin de déterminer le territoire où s'applique une prohibition ou une règle à proximité d'une source de contraintes (p. ex., aucune résidence à proximité d'une voie de circulation où l'intensité moyenne du bruit atteint un certain nombre de décibels).

Lorsque le schéma d'aménagement et de développement mentionne des sources de contraintes de nature anthropique et des règles minimales, les municipalités doivent assurer leur mise en application par le processus de conformité. Par ailleurs, les municipalités locales peuvent, de leur propre chef et pour des raisons de sécurité et de santé publique ou de bien-être général, régir ou prohiber, par des règlements de zonage et de lotissement, les usages du sol, les constructions, les ouvrages ou les opérations cadastrales à proximité d'un immeuble ou d'une activité qu'elles reconnaissent comme étant une source de contraintes majeures.

De son côté, la communauté métropolitaine doit définir des orientations, objectifs et critères liés à l’identification de toute partie de territoire de la communauté qui, chevauchant le territoire de plusieurs MRC, est soumise à des contraintes majeures pour des raisons de sécurité publique, de santé publique ou de bien-être général. Elle peut également, en appui à ces orientations, objectifs et critères, délimiter toute partie de territoire et déterminer toute localisation et rendre obligatoire l’inclusion de tout élément qu’elle précise dans le document complémentaire à un schéma applicable sur le territoire de la communauté métropolitaine.

Vers le haut

Contraintes majeures

On peut déterminer deux types de contraintes pour l'occupation du sol à proximité d'une activité humaine ou d'un immeuble considéré comme une source de contraintes majeures :

  • une nuisance (fumée, poussière, odeur, vapeur, gaz, radiation, bruit) tellement importante que ses répercussions sur le bien-être des citoyens, sur leur santé et leur sécurité, entraînent, à une certaine distance de la source, un dommage permanent et continu (il ne s'agit pas d'inconvénients ou de désagréments temporaires);
  • un risque pour la sécurité ou la santé des citoyens lorsqu'il y a risque d'accident impliquant des conséquences graves (le risque se définit comme l'évaluation du danger compte tenu de la probabilité d'occurrence de l'événement redouté et de la gravité de ses conséquences).

Une contrainte est dite majeure lorsqu'une situation dépasse toute limite d'acceptation sociale. Cette définition oblige donc à examiner et à déterminer des seuils acceptables ou intolérables comme le niveau à partir duquel une nuisance ou un risque important pour lequel les conséquences d'un éventuel accident deviennent inacceptables pour les résidants et les activités situés à proximité.

Par exemple, le ministère des Transports du Québec considère qu'un niveau inférieur à 65 dBA est tolérable. D'ailleurs, c'est à partir de ce niveau qu'il intervient pour apporter des corrections. Par ailleurs, il considère un niveau sonore de 55 dBA et moins acceptable pour les zones sensibles telles les zones résidentielles, institutionnelles et récréatives.

Bien que la démarche d'identification des immeubles, des ouvrages et des activités à risque puisse poser certaines difficultés quant à ce qui représente ou non un risque, le véritable problème réside dans leur caractérisation en termes de conséquences qu'ils pourraient entraîner, en cas d'accident, sur le milieu environnant. Il en va de même du niveau de risque en présence et de la détermination de normes permettant d'assurer la protection des personnes.

Les municipalités devraient adopter des règles afin d’éviter l'empiétement et le rapprochement d'usages, de constructions ou d'ouvrages qui sont incompatibles et qui pourraient compromettre la sécurité et la santé des personnes de même que les possibilités d'exploitation ou d'agrandissement d'activités désignées comme sources de contraintes majeures. Rappelons qu’en novembre 2008 la Cour suprême du Canada a confirmé, dans l’affaire Ciment du Saint Laurent inc. c. Barrette, [2008] 3 R.C.S. 392, 2008 CSC 64, que tous les citoyens, et non seulement les propriétaires d'immeubles, ont le droit d'intenter un recours collectif pour des nuisances entraînant des inconvénients « anormaux ou excessifs », et ce, même si l’usage causant ces nuisances est autorisé et respecte les normes en vigueur.

Enfin, la protection de certains équipements, tels un hôpital, un puits ou une source de captage d'eau souterraine, pourrait également se faire en vertu des pouvoirs relatifs aux contraintes de nature anthropique. Le contrôle de l'utilisation du sol autour de ces activités constitue un moyen important de protection. Dans ce cas, il s'agit d'effets potentiellement négatifs des usages ou des constructions situés à proximité d'une source de contraintes plutôt que de l'inverse.

Schéma de couverture de risques et schéma de sécurité civile

La Loi sur la sécurité incendie confie aux autorités régionales la responsabilité d'élaborer un schéma de couverture de risques qui doit contenir, entre autres, le recensement, l'évaluation et le classement des risques, y compris, s'il y a lieu, les risques soumis à déclarationOuverture d'une fenêtre contextuelle en vertu de l'article 5 de la loi. De même, le schéma doit contenir, pour chaque catégorie de risques inventoriés pour chacune des parties de territoire, des objectifs de protection optimale contre les incendies ainsi que les actions que devront prendre les municipalités pour atteindre ces objectifs, les plans de mise en œuvre des municipalités concernées, etc.

Le recensement et l'évaluation des risques d'incendie lors de l'élaboration du schéma de couverture de risques peuvent fournir des renseignements permettant de repérer des sources potentielles de contraintes majeures et de déterminer quelles sont les populations concernées et vulnérables. Par la suite, l'évaluation de l'importance de la contrainte et de son acceptabilité sociale pourrait amener les autorités régionales et locales à déterminer un cadre réglementaire relativement à l'occupation du sol situé à proximité.

La Loi sur la sécurité civile prévoit également une obligation de déclarer les risques. Par ailleurs, en vertu de cette loi, les autorités régionales devront éventuellement, en accord avec les municipalités locales qui en font partie et en conformité avec les orientations déterminées par le ministre (lorsque celles-ci seront déterminées), établir un schéma de sécurité civileOuverture d'une fenêtre contextuelle fixant, pour tout leur territoire, des objectifs de réduction de leur vulnérabilité aux risques de sinistre majeur ainsi que les actions requises pour les atteindre. Il pourra inclure, en totalité ou en partie, le schéma de couverture de risques en vertu de la Loi sur la sécurité incendie.

Cette loi a pour objet la protection des personnes et des biens contre les sinistresOuverture d'une fenêtre contextuelle. Cette protection devrait être assurée par des mesures de prévention, de préparation des interventions, d'intervention lors d'un sinistre réel ou imminent ainsi que par des mesures de rétablissement de la situation après l'événement.

L'aménagement du territoire s'inscrit dans cette démarche globale de gestion des risques de sinistres comme mesure de prévention s'ajoutant aux mesures de réduction du risque à la source, de planification des mesures d'urgence, de communication des risques à la population, etc.

Dans cette optique, les pouvoirs en matière d'identification des sources de contraintes de nature anthropique pourraient éventuellement constituer un des moyens privilégiés servant à prévenir les dommages associés aux risques technologiques.

Vers le haut

Références

Vers le haut